Âme sensible, cette lettre va être degeulasse sur quelques points. Comme mon état depuis quelques semaines 😂 !
Ce qui ne pouvait que m’arriver est arrivé : je suis tombée malade (et pas qu’un peu) !
FROM la vie en forêt toussa toussa… TO les hôpitaux & centres médicaux d’Abidjan 😂
🔙 Pour bien comprendre, petit update sur ces dernières semaines :
👩🎓 big news :
J’ai pris le rôle de manager du camp en l’absence du manager (parti en congés en France) ! J’ai fait ça pendant quasiment 2 mois, il est revenu depuis. Une sacré expérience ! Le management interculturel c’est quelque chose hein ! J’ai appris beaucoup, j’apprends encore, je ne cesse d’apprendre ici. D’apprendre sur les humain.e.s, sur moi, sur les relations humaines (et inter-espèces d’ailleurs 😉). Le taff de manager consiste à gérer le camp en fait, s’assurer que tout roule, que les conflits se résorbent, à tenir la caisse financière, à faire les courses au marché, à surveiller la santé des chimps, à reporter dans des documents financiers, à animer des réunions debrief hebdomadaires sur les activités de chacun.e / sur les chimps, à gérer des conflits, à gérer des personnalités, à gérer les demandes d’acomptes oui ici, le salaire ne se verse pas le X du mois. Ils demandent des petits acomptes au compte-goutte. 2000 par-ci, 1000 par-là. J’avais un peu l’impression d’être une daronne qui gère l’argent de poche !). Je me suis mise une pression de ouf, mais ça c’est le problème de ma Life. Je me mets trop de pression pour tout. Mais j’ai fait le taff ! Manager 5 garçons, de 19 à 34 ans, ivoiriens, aux caractères bien trempés et parfois un peu chiants mais tellement attachants, dans un contexte intense en forêt comme celui ci, dans un timing où la directrice était présente aussi . Et beh c’était une sacrée école ! Parfois ils étaient en mode gilets jaunes avec des revendications salariales. Une fois, ils ont demandé à parler à la directrice (c’est elle qui dit go / no go pour les demandes d’augmentation, revalorisation etc), et ils ont dit tant qu’on lui parle pas on est en grève mdr. La CGT made in Côte d’Ivoire 😂
En fait, je dirais que les difficultés sont communicationelles. On ne s’exprime pas avec le même ton, la même intensité, même vocabulaire. Ils parlent de manière super virulente de leur côté, mais c’est leur manière de parler. C’est pas visé contre soi, et moi, ultra-sensible, j’ai forcément été touchée plusieurs fois. Mais justement j’ai appris à ne pas prendre pour moi, et je suis assez fière du chemin parcouru sur ça. Ça m’aidera tout au long de ma vie ! Et surtout j’ai adopté les codes d’ici ! Faudrait me voir. C’est drôle mais assez spontané. J’ai pris les tics de langage, les expressions, les réactions. Parfois ils aboient ( = crier, on utilise ce mot ici pour dire crier et on l’utilise aussi pour nommer certaines vocalises des chimps ) un peu quand ils parlent, mais par contre si tu abois en retour, drama! Ils le prennent super mal. Donc, il faut toujours bien calibrer sa communication et faire preuve de beaucoup d’intelligence émotionnelle et d’adaptation. Aussi, je me suis rendue compte à quel point je suis maternante. Je me comporte comme une maman avec eux ( je vous laisse imaginer avec les chimps…!) , beaucoup dans le care, dans l’attention portée. Prends bien ton parka, mets tes bottes pour aller dans la forêt pour pas que tu te blesses, comment ça va aujourd’hui, est-ce que tu as bien dormi, montre-moi ta piqûre je vais te mettre de la crème, pense à boire de l’eau, allez mon grand ça va aller aujourd’hui, t’es bien fort comme ça … je vous jure une daronne ! Mais c’était totalement naturel, spontané, gratuit, et puis c’est ma personnalité. J’aime prendre soin des gens et j’aime prendre soin de tous les vivants en fait.
Bref, cette expérience de manager m’a aussi amené des petits coups de stress ( normal!). Je faisais les comptes financiers dès que j’avais 5 min ( c’est à dire jamais) pendant mes jours de congés (donc c’était pas un congés mdr), parfois j’avais des couacs de caisse parce qu’ici il faut pilier les systèmes de paye occidentaux et numériques, tout est sur des petits cahiers humides comme never. Les moyens du bord, et c’est déjà bien !! Au delà d’apprendre, j’expérimente la vraie frugalité. Ne pas avoir tous les outils modernes habituels (on a quand même un Excel!), mais faire quand même le taff et se débrouiller. J’aime cet esprit de débrouille. J’ai l’impression qu’ici on peut trouver une solution pour tout. Et ça c’est une énergie qui fait tellement du bien ! Je me dis que ça ferait tellement du bien à certain.e.s salarie.e.s de grosses boites de voir tout ce que ces petites organisations arrivent à faire sans moyens. 1 euros ici est tellement plus optimisé que 1e dans un énième workshop ( pardon je suis dure mais c’est vrai….). Je vous assure ici ce qu’on fait avec 1e, c’est un délire d’optimisation, d’ingénieurie, de rentabilité, de malice. Inspirant. Ça me donne des idées pour la suite.
Parmi les autres tâches du manager : faire les courses au marché. Euh j’adore en fait. J’adore aller à la rencontre des femmes du marché ! On s’entend trop bien, on rigole bien, on parle des hommes (mdr et pas qu’en bien!), je m’adapte de ouf au contexte culturel et je respecte les codes. J’adore négocier aussi ( car oui une blanche ( la seule d’ailleurs) dans un marché, forcément on lui fait des prix plus salés ! ). Une toubab comme on dit ici. En revanche, on prend soin à toujours de rémunérer au prix juste les produits, on achète pour plus de 700e de bouffe, fruits et légumes pour les chimps et soigneurs et volontaires chaque semaine.. les chimps ici ont des repas dignes d’un 5 étoiles ! Ils ont plus de 6 repas / en cas par jour. Ça en fait des bouches à nourrir ❤️ ( les dons passent majoritairement dans ses frais de fonctionnement. Vos dons sont donc essentiels, mais vraiment ! ). J’en reparlerai car le site beug actuellement pour les parrainages.
Je vous envoie quelques vidéos de love des femmes du marché ❤️. Il y a une femme au marché, la dame des bananes plantins, qui fait que m’appeler ma copine. Pourquoi ? Car elle a des grosses hanches et fesses et moi aussi mdr. Il m’appelle tous l’africaine ici ! C’est d’ailleurs très plaisant de voir des normes sociales corporelles enfin différentes de celles de Paris/ de France / d’Occident que je ne supporte plus. Sur l’ultra-minceur, la minceur, la beauté. Ça me rappelle combien les normes de beauté sont culturelles et que j’ai plus envie de m’enmerder avec les normes françaises et le regard de certains mecs français notamment. Je me sens belle forte puissante et résiliente.
🌳💉 Et nous y voilà.
La vie en forêt, la vie, la vraie. La vie en forêt, c’est difficile hein. J’ai pas envie d’enjoliver, de mentir, de dire que le matériel ne compte pas, de dire que le confort ne manque pas. Non, un peu 😂.
Déjà, février et mars ont été d’un rythme et d’une intensité sans précédent. On était que 2 volontaires, Dehlia et moi, et la directrice Estelle Raballand venue de France ( et de Guinée où elle a créée le Centre de conversation chimpanzés alias le CCC!) pour 1 mois. On a bossé de ouf, mais vraiment de ouf ! J’étais sur les rotules, mais j’ai énormément appris à son contact.
C’est vers mi mars que j’ai commencé à avoir des premiers mood de merde. J’ai été malade, mais woooow l’enfer. Bouffées de chaleur, fièvre, diarrhée de fou malade, mal partout notamment au dos, et surtout des espèces de trucs sur mon corps. À ce moment là je pensais que c’était des champignons 😁 j’étais encore dans le rêve, l’utopie, si ça n’était que ça…
funnnnnnnnnn la vie en forêt. Vraiment l’expérience de la maladie et de la diarrhée et des envies de vomir ici, je déconseille. Putain, l’enfer. J’ai cru creuver. Vas-y à sortir à 4h du matin seule dans la forêt pour ça. L’enfer. Mdr.
Bref au début quelques symptômes que j’ai laissé traîné pcq je marchais à l’adrénaline et que je voulais donner mon max pour les chimps et pcq en fait il fallait faire tourner la baraque en fait ! Et j’étais ok, je serrais un peu les dents mais honnêtement mon corps arrivait à suivre.
Et puis, la dernière semaine de mars mon corps a craqué. Je devais partir 1 semaine à Abidjan pour mes congés ( on a 1 semaine de repos à d’Abidjan après 3 mois de taff). 2 jours avant mon départ, je me sentais vraiment trop mal. Trop de vertiges, de nausées. J’ai fait un test paludisme ( oui ici le test palu c’est comme les auto test covid en France), j’ai pensé à un gros pallu. Je suis allée à l’ « hôpital » des bonnes sœurs du village d’Alepe… Alors en vrai elles étaient super, c’était propre, super pro etc, j’ai fait une prise de sang. Mais au moment des résultats sanguins, j’avais vraiment trop de signaux rouges. Trop d’infections. Je suis donc directement partie à Abidjan pour bénéficier d’un système de santé plus robuste. Ma semaine de congés s’est transformée en semaine de guérison à courir à droite à gauche, docteurs, hôpitaux, centres médicaux, échographies, scanners, prises de sang, sérologie. Ptin j’en pouvais plus.
Attention, roulement de tambour :
⁃ J’ai sûrement eu des amibes. Forcément, j’ai chopé un parasite, en même temps si je vous montre l’état de ma gourde…. Cf photo. Forcément que j’ai chopé un parasite ( en vrai les parasites sont aussi sur les ananas etc). Ma gourde était tellement DEGEULASSE. Choquant en fait. Mdr. J’arrivais pas à la nettoyer correctement au camp et forcément tout s’est accumulé dedans, et c’est pas faute d’avoir essayé de bien la nettoyer à chaque fois…
⁃ Et surtout j’ai chopé la gale. Rien de sûr a 100% mais quand même quasi sûr mdr.. Bon c’est pas grave la gale en soi hein, on la chope même dans les prisons françaises 😉 ( en même temps vu l’état de notre système carcéral…). Je pense même savoir comment je l’ai attrapé. Ça s’attrape par voie sexuelle normalement ( mdr autant vous dire que de ce côté là : IL N’Y AVAIT AUCUN RISQUE), ou alors au contact d’animaux malades. Et effectivement, une fois, au village de Kimoukro, où l’on achète les fruits, je me suis (encore) pris pour Brigitte Bardot à vouloir sauver 3 petits chiots malades. Je les ai touché, hydraté, inspecté pour savoir quels médocs on pouvait leur donner… C’est sûrement au moment où je me suis prise pour une veto que j’ai attrapé la gale. Le pire: les 3 chiots sont morts la semaine d’après… Ici les chiens/ chats au village n’ont pas les mêmes conditions de vie que les chiens chats de compagnie en France. Bref, le mot gale fait peur un peu, enfin psychologiquement je me suis vraiment sentie degeulasse. Savoir que des bestioles sont entrain de pondre sous ma peau, bon j’ai connu plus sexy mdr. Plus sérieusement, les symptômes sont des sortes de boutons sur la peau, et des démangeaisons +++.
Niveau maladie, je vais mieux maintenant. J’ai encore quelques petits bails à gérer, mais honnêtement ça va bien. Donc faut pas vous inquiétez hein ! Je suis dingue et aventurière mais pas irresponsable et imprudente. Et encore une fois je prends tout ça avec beaucoup de légèreté et d’humour. Ça fait partie de l’expérience, je devais vivre ça, je devais apprendre de tout ça. Et d’ailleurs oui j’ai appris beaucoup de choses ! J’ai surtout appris combien mon corps est fort résilient, et combien mon mental est en béton armé. Difficile aujourd’hui de me dire qu’il y a des choses dont je ne suis pas capable. Pardon, ça paraît pas très humble, mais c’est ce que je ressens après ce passage epic.
Par contre, faut qu’on se le dise deux minutes : QUEL ÉNORME KIFF DE RETROUVER UNE VRAIE DOUCHE ET UN LIT ET DE LA BOUFFE lors de mon court séjour à Abidjan 🙌🙌🙌🙌. Plus sérieusement, je pense que personne ici ne pourra comprendre la sensation qui m’a traversé le corps et l’esprit en reprenant une vraie douche après 3 mois en forêt. C’est vraiment quelque chose de très particulier et beaucoup plus profond que le ton humoristique que je prends ici. Et ça fait beaucoup réfléchir à la vie, à la vie que je veux.
En vérité, ce n’est pas la mort les douches d’eau froide au sceau hein, on s’y fait, mais c’est simplement que retrouver une hygiène et des conditions sanitaires ( en plus quand on est malade) c’est quand même quelque chose de très fort. On l’oublie à baigner quotidiennement et cela depuis notre naissance en France.
Moi après 3 mois sans douche, je redécouvre à quoi je ressemble :
VS moi pendant la maladie 😂 :
🔚 ⛺️ Et pour finir, bien sûr, vu que les merdes n’arrivent jamais seules : j’ai ma tente et mon matelas qui m’ont lâché ( ma hantise, merci Le Vieux Camper). Et ça par contre, c’était vraiment la loose. J’ai dormi à même des planches pendant plusieurs nuits, et quand on travaille autant, ne pas pouvoir bien dormir, c’est très dur. J’ai senti que tout cela venait tirer sur la corde. Mais étonnement, je continuais à prendre ça avec beaucoup d’humour, de la dérision, de l’improbabilité. Je pense que c’est ma méthode de survie à moi et elle est à l’image de ma personnalité qu’importe où je me trouve géographiquement.
Bon le problème de ma tente et matelas sont réglés, merci à ma sœur et ma mère en France qui l’ont donné au manager de retour en forêt ❤️ mes sauveuses. Bon, depuis mon nouveau matelas se dégonfle encore mais je suis dans le déni et je vais faire comme si je ne savais pas 😂
De toute façon, le corps s’adapte de manière étonnante, surtout le corps féminin. Mes règles se sont coupés lors de ma venue en forêt. Ça fait donc bientôt 3 mois que je n’ai pas eu mes règles. Ça arrive à plusieurs femmes dans mon cas, le corps se met en mode survie. Ce qui est fou, c’est que j’ai eu mes règles le 5/6 janvier, lors de mon arrivée à Abidjan et de mon début de quarantaine là-bas, et puis puis rien dès ma venue en forêt. J’ai confiance en la résilience de mon corps, j’ai pas toujours eu confiance en lui, mais voyant tout ce qu’il encaisse ici, je me rends compte que j’ai une force et une capacité physique insoupçonnée. Ça fera taire tous les gens qui pensent que les gros.se.s ne peuvent rien faire, que le poids conditionne la condition physique. Merci à lui de me porter tous les jours 💚 et de me permettre d’accomplir tout ce que j’accomplis ici.
Allez hop, je suis de retour en forêt et je vous dis à bientôt. Petit cadeau avant ça 🎁
Je vous laisse avec cette photo digne d’un prisonnière yougoslave…. Sachez que ce jour là : j’ai du faire une photo dans un petit boui-boui de 3 m carré avec un drap blanc sur un mur, pris en photo par un daron vraiment drôle et cocasse, j’ai du emprunter des chaussures à une mama dans la rue, j’ai failli toquer chez un ministre pcq je m’étais trompée de lieu pour refaire mon visa, il faisait 500 degrés, j’ai failli me faire marier 3 fois, et j’ai fait croire que j’avais un enfant et j’me suis tapée sur le gras de mon ventre pour appuyer mon mensonge 😭😂😭😂😭😂. Non vraiment, je vis du grand nimp. J’ai trop d’anecdotes à vous raconter à mon retour.
La prochaine fois, ça sera une lettre dédiée aux chimps, j’ai trop de trucs à vous raconter sur eux ❤️.
Au fait, je voulais vous dire qu’on m’a soigné avec les mêmes médicaments qu’on a soigné les chimps qui étaient malades ces dernières semaines. Judith, la doyenne de 29 ans ( mon age) a pris le même médicament que moi lors de sa fièvre typhoïde. Et Moussa, le plus jeune de 1 an, a pris du Flagyl, le même antibiotique que moi pour les amibes. Loin d’être anecdotique, prendre le même médicament, souffrir comme eux des mêmes choses, se soigner comme eux, réagir comme eux, tout cela fait bien réfléchir sur le niveau de proximité que nous avons avec les chimpanzés. Nos frères et sœurs d’une autre espèce. 🧬
Est-ce qu’on peut être maman ou tatie d’être non-humains ?
Je crois que oui.
Prenez soin de vous, je vous embrasse.
From love.
Anaïs.
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