Un 8 mars dont je me rappellerai toute ma vie.

C’est un billet un peu particulier et spontané que je vous partage ici. J’en avais prévu un autre, mais j’ai envie de vous parler de ma journée d’hier.

🎶Fond sonore : Madeleine de Disiz.

Une journée vraimeeeeeent !

Rocambolesque, mais à l’image de ce que je vis ici tous les jours. J’ai l’impression de vivre 10 journées en 1 journée.

Je vous embarque avec moi dans ma journée du 8 mars. Journée pour laquelle j’ai eu une pensée pour toutes les femmes qui se sont battues et qui se battent encore pour la liberté des mes soeurs vivantes et de toutes les espèces. Et, une pensée chaleureuse pour les nombreuses femmes inspirantes qu’il y a ici dans cette boucle ❤️

📆 7 mars, 16h30

J’étais en forêt avec les chimps et Zack, un soigneur qui travaille auprès des chimps de cette association depuis qu’il a 15/16 ans. Zack ne sait pas lire ni écrire mais il connaît la forêt comme sa poche. Les insectes, les traces d’animaux, les plantes, les coins et les saisons des fruits sauvages dont raffolent les chimps. Il a aussi une connaissance de dingue de géographie de la forêt et de ses éléments. Il sait reconnaître et anticiper la météo.

Avant hier vers 16h30, le temps a commencé à changer. Au début une petite averse, rien de bien fou, mais Zack a senti que ça allait s’aggraver. Et il a eu raison, et il nous a sûrement sauvé la vie, ou en tout cas, il a évité la catastrophe.

Alors que l’on venait de se mettre en route pour rentrer de notre sortie en forêt avec les chimps, la pluie est devenue folle. Une pluie torrentielle. Un vent de fou.

Il faut savoir qu’ici le sol c’est de la terre mélangée au sable, ce n’est pas un sol solide. Les arbres tombent donc comme des petits pains lorsqu’il y a du vent important ou de la pluie foudroyante. Là on avait les deux. Bingo 🎉🥳

On a courru sous la pluie comme never, avec les 4 petits chimps. Emma, Djodjo, Jules, Akouba. Ils étaient tous terrifiés par la pluie. Ils avaient peur de l’orage, du vent, de la situation, ils devaient courir eux aussi. La forêt était sombre, j’y voyais rien. Mais vraiment rien ! Je voyais même plus Zack devant moi, je ne voyais que les chimps courir derrière lui.

Je tenais Akouba par la main, elle me serait fort. Djodjo était sur mon dos. À savoir : ils ne sont pas légers ces petits filous hein ! Surtout quand tu dois courir sous la pluie, dans l’obscurité, dans une forêt, et en pleine côte.

Alors que l’on courrait, un arbre est tombé à 5 mètres de moi. Un bruit énorme a retenti malgré le bruit déjà assourdissant des orages, des éclairs, de la pluie. Les 4 chimps m’ont directement sauté dessus en poussant leurs cris de peur. J’ai totalement failli tombé, mais mon instinct premier était de les protéger. Ils étaient terrifiés. Je parlais pour les rassurer, je les portais tant que possible, je touchais leurs mains ou leurs têtes en courant, je les ai serré fort contre moi et j’ai tapé dans le dos (les tapes dans le dos sont un signe de la re-assurance chez les chimps).

Apocalyptique ce moment vraiment.

On devait se dépêcher de rentrer au camp le plus vite possible (vous ne me connaissez pas pour mes talents de sprinteuse donc je vous laisse imaginer ce retour sous la pluie mdr). En vrai, l’adrénaline de ce type de moment fait agir vite et bien.

Les arbres devenaient trop dangereux.

On a fini par arriver au camp sous une pluie torrentielle. On a rassuré et nourrir les 4 petits cœurs. Le problème est qu’il y avait trop d’eau dans leur cage. On a donc du ouvrir pour la première fois une autre annexe de la cage pour les mettre à l’abri (élément important dans l’histoire mdr).

Bref, on a réussi à rentrer tou.te.s sains et saufs et à les mettre à l’abris avec leurs doudous. Oui ils ont des doudous ! Morceaux de tissu, vieux vêtements, sac en jute etc, c’est très important pour eux. Ça les rassure de pouvoir les mettre sur eux pour se protéger émotionnellement, pour faire leur lit..

J’étais littéralement trempée de la tête aux pieds, j’avais tellement d’eau et de buée sur mes lunettes. Un délire. C’était du grand n’importe quoi quand j’y repense mdr. Heureusement que je suis une meuf qui arrive à rire de toutes les situations rocambolesques.

Pendant la nuit, la pluie s’est calmée, et nous aussi.

📆 8 mars, 8h.

Je devais aller chercher, au petit village de Kimoukro, des fruits pour les chimps. C’est le rituel du vendredi matin avec Bena.

Sauf que…

Sur le —seul— chemin pour accéder au camp, des arbres sont tombés. Bon au début du chemin, c’était des p’tits arbres ou lianes que l’on a pu couper nous-mêmes à la machette. Ah oui, parce que oui, ici j’utilise des machettes tous les jours mdr ( il faut couper tous les jours branches pour les chimps en cage qui les mangent, jouent, font leur lit avec). Ma vie c’est du grand nimp quoi mdr.

Bref, au début des petits arbres facilement dégageanbles étaient sur la route. Jusqu’à que l’on arrive devant deux arbres gigantesques… Chemin bloqué.

Évidemment. C’était 8h du matin hein ! De bon matin, la flemme de la journée de galèreeeee qui va commencer.

Impossible d’accéder au camp ni au village en voiture… On a du continuer à pieds jusqu’à au hameau le plus proche, 7 kilos ( c’est le nom du hameau ) pour avoir un peu de réseau téléphonique et trouver des scieurs de bon matin mdr. Tout ça en crocs et sous 40 degrés. À bout mdr.

Par miracle, deux scieurs étaient au village situé à l’entrée de la forêt entrain d’élaguer un arbre. Un miracle du Dieu des femmes du 8 mars ! Merci!!!!

Ils sont donc venus couper les arbres et débloquer le chemin et notre 4×4. Attention si vous travaillez dans le domaine de la sécurité au travail ne regardez pas cette vidéo des scieurs 🥲. Ici aucune protection, c’est roost et totalement dangereux mais ils gèrent ça comme du petit lait. Même quand la lame est bloquée dans le bois, tout est système D, C, Y, W,U pour la débloquer. Ingénieux et assez inspirant.

Ce qui me fascine c’est que tout est normal ici, tout ce bordel était un non sujet. L’ordinarite de la situation forge le respect et la résilience.

📆 8 mars, 13h.

On a fini par faire nos courses et à rentrer au camp.

En arrivant au camp, j’apprends que les petits chimps, le matin très tôt, ont profité de l’ouverture de la nouvelle cage pour saccager une partie de cette dernière. Ils ont cassé une porte en fer mdr, dans le plus grand des calmes, et ont cassé tous les outils de nettoyage que l’on utilise pour nettoyer leur dortoir. Balais, brosse, sceau. Tout y est passé. Et surtout… ils ont reversé un énorme sceau de peinture partout dans la cage, et bien sûr, sur eux aussi ! Sinon ça serait pas drôle ! Un chimp avec de la peinture verte ! Le grinch, le remake.

L’énorme bêtise de ces petits chenapans a rattraper de bon matin. Mdr c’est vraiment des enfants🐵🙊🙉😂.

Et surtout l’énorme coup de stress pour moi : est-ce qu’ils ont mangé de la peinture ?? Quid de leur santé ??

Du coup, j’me suis mise à courir à l’endroit dans la forêt où l’on capte un peu de réseau pour contacter la directrice qui connaît les bons réflexes véto. Un sprint après cette matinée mdr. Tout ce dont j’avais besoin 😅.

Au final, les chimps vont bien. C’est juste vraiment des petits monstres, mais des petits monstres pas bêtes qui savent reconnaître ce qu’il ne faut pas manger mdr.

Suite à ça, je suis partie en brousse avec eux durant l’après-midi. Ils se sont tous régalés à monter dans les arbres, à manger des fruits sauvages, à faire épouillage et à jouer avec mes cuisses et mon ventre. Car oui, ils adorent jouer avec mon gras ! Au moins eux 🤣. Ils aiment toucher notre peau, la faire rebondir, sentir et ressentir le contact avec leur peau. Je vous laisse avec Djodjo allongé sur moi, à demander épouillage sur le dos, et entrain de vivre sa meilleure vie.

8 mars, 20h 🌚

Bon je me suis tapée encore un sprint pour aller au réseau. Mais c’est pas de ça dont j’ai envie de vous parler.

Le soir, c’était aussi un sacré moment. On a fêté l’anniversaire d’Abou, un soigneur de 31 ans. Il vient d’un village qui s’appelle PK5. Il a une fille, Grâce, qui l’aime beaucoup. Il est séparé de sa femme car les parents de cette dernière n’accepte pas sa religion musulmane. Il l’aime encore je crois, mais leur relation est terminée.

Bref ce soir, on a fêté son anniversaire avec les moyens du bord et c’était beau. Très beau.

Zack a fait une sauce arachide excellente comme d’hab. Avec du bon riz bien sûr ! Best combo.

Dehlia, un autre volontaire, a fait des crêpes à la banane en guise de gâteaux d’anniversaire. Le kiff de manger mes premières crêpes ici ! On cuisine du lait en poudre ici vu que rien ne tient en termes de produit frais.

Je rappelle que l’on fait tout ça sans cuisine ni électricité, ni des poêles tefal de ouf ;). La rudimentarite = la créativité.

On avait acheté du vin de palme ( c’est assez bon, c’est blanc, doux et sucré), des bières, de la liqueur homemade ( littéralement un goût de décapant tellement c’est fort, ils mettent ça dans des bouteilles de pastis vides d’ailleurs 🤣).

Et nous voilà parti pour la soirée d’anniversaire d’Abou. On a fêté. On a chanté. On a joué.

C’était simple, mais généreux. Chaleureux.

On a fait un baccalauréat à l’oral. On devait trouver un nom d’animal en D, un legume en A etc. C’est toujours drôle car ils inventent des mots et disent que c’est des choses typiques de Côte d’Ivoire mdr.

Ils adorent les discours ici, et les discours très procéduriers, sérieux et solennels surtout ! Alors tout le monde a fait un discours pour Abou, pour le moment, pour ce qu’on vit. Et vraiment c’était beau, que des gros bonhommes qui se font des belles déclarations de love, d’amitié, de fraternité, c’est beau et touchant. J’aime les hommes sensibles, capables de se le dire, d’être ému devant leurs pairs. En cette journée du 8 mars, j’ai pris ce moment de vulnérabilité masculine comme un immense cadeau.

J’ai versé ma petite larme évidemment – always mood.

Certains ont parlé de Dieu, de fraternité, tous ont souhaité la santé avant tout, ils disent « je te souhaite tout sauf la pauvreté », « plus d’argent et moins de problèmes ». Personne ne roule sur l’or ici, au contraire, tous sont dans la merde financièrement hein. Oui, ils sont là pour le sens, les chimps, mais ils sont surtout la pour gagner de l’argent à envoyer à la famille, à payer les factures, pour bouffer. Ils sont payés le smic ivoirien, c’est à dire 115 euros par mois. La monnaie ici est le franc cfa. Une histoire de colonialisme derrière tout ça, et aussi de corruption.

Zack a fait un discours très touchant rappelant que nous étions tous là sans électricité, à se laver à la rivière, sans réseau, sans lit, sans nos familles, pour la nature, pour les animaux. pour la forêt. Qu’on était tous là, ensemble et solidaires, courageux et forts de choisir cette vie là pour les animaux.

Abou était très ému. Enfin, tout le monde en fait ! On a même fait des prières collectives ( je sais même pas pour quel Dieu vu que l’on a des Muslims chrétiens et athées autour de la table !). Ils ont aussi fait des discours sur les femmes, et sur dehlia et moi ( les 2 seules filles au camp) à l’occasion du 8 mars.

Dehlia et moi avions préparé des petits cadeaux à Abou : un paquet de clope et un scoubidou ( oui on fait avec les moyens du bord 😂).

Et, c’était merveilleux. Un moment sensible de joie.

Et un moment d’amour pur, sans égo ni carapace. Un moment d’amour envers tout, les humain.e.s, la forêt, les chimps, et tout ce qui nous unit.

Noirs, blancs, très jeunes, jeunes, vieux, diplômés, analphabètes, femmes,hommes, aucune de nos différences ne pouvait désunir cette symbiose collective.

Je vous laisse avec ces belles images d’une soirée d’anniversaire à la bougie au camp. Inside the true life.

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Je vis une expérience vivante.

Vivante en rebondissement, en aventure, en nature, en humanité. Tout vibre en moi, du vivant pur et dur sous toutes ses formes, et j’avais envie de vous transmettre ça. Il y a des jours plus simples que d’autres avec ce vivant justement. Tout est mouvant, tout est mouvement, mais je me sens grateful de ressentir cette vie en moi. Je me dis que mon quotidien ici est vraiment improbable, et que je n’oublierai jamais tout ça. Je me nourris, je me transforme, je me renforce. C’est à la fois d’une complexité et d’une simplicité déroutante. Et si Balou avait raison, il en faut peu pour être heureux ?

Merci la vie.

Bisous à vous toutes et tous,

Anaïs.

Ps: pour voir les vidéos, rejoignez la boucle whatApps. J’ai pas assez de co pour les uploader ici sur le blog.