Chères toutes, chers tous ✨,
Message exceptionnel pour contexte exceptionnel 🇨🇮.
Il était une fois une folle dingue du nom d’Anaïs Therond qui eu l’idée incongrue de partir vivre une expérience de 4 mois en forêt ivoirienne pour sauver et protéger des chimpanzés… une exploration des vivant.e.s, du monde, et d’elle-même. Surement la grande aventure de sa vie.
Voici de ces nouvelles dans cette boucle du love. Prenez votre petit thé, votre meilleur spot lecture, et laissez-vous transporter en pleine forêt.
J’ai très peu de réseau ici (je dois faire quelques km pour avoir du réseau et il n’est pas dingue), donc je fais une boucle collective avec des gens du 🫶 pour vous donner des news et vous partager ce que je vis. Tout ça est bien trop fort et important pour ne le garder que pour moi. J’espère que cette première lettre vous trouvera en forme et émerveillera les vivant.e.s que nous sommes et vos quotidiens.
Je tacherai d’être honnête, sensible, spontanée dans mes mots. Je tacherai d’être moi en fait ! Je ne vais pas romancer la réalité hein, donc ça sera nature peinture. Bienvenue dans le monde d’une petite meuf de 29 ans qui était tranquille (ou pas) dans sa vie parisienne et qui a décidé de se relier avec ce qu’il y a de plus profond en elle : la vivante, la chimpanzé, l’activiste, la déterminée.
Bref, me voici en forêt depuis presque qu’1 mois.
Les défis de la vie en forêt 🌳
1/ Pas de mytho ici : c’est hardooos hein. Les conditions de vie sont à l’image des photos, très roots 😅. Je commence à me faire à l’éclairage à la bougie (pas d’électricité ici, le panneau solaire marche quasi pas), aux douches au seau d’eau bien fraîche de la rivière (pas d’eau potable ici), aux nuits en tente en forêt (vivante parmi les vivantes hein – welcome 🕷️ 🐛🪱🪳🦟🐍), à l’humidité ( je n’ai aucun habit sec au quotidien et les vêtements moisissent ici car rien ne sèche. La forêt retient l’humidité 💦). J’avais dit que c’était roots ( l’idée est d’être au plus proche de la vie de la forêt pr les chimps donc forcément adios mon beau canapé dans le 18ème parisien 😂. Attention aux maniaques de l’hygiène, vous allez faire une syncope en voyant les photos du camp. Mais on s’y fait. Tout ça devient ( presque) secondaire face à la proximité avec les chimpanzés. Les journées commencent à 7h15, se terminent à 22h. J’ai 1 jour de repos par semaine. Je fais ça gratuitement hein, c’est bénévole de ma part. C’est d’une intensité sans précédent à tout niveau, ce qui n’est pas simple, c’est bien challengeant, mais c’est bien, ça va me faire du bien d’aller explorer ces parties de moi.
2/ Je rencontre des humain.e.s pluriels : soigneurs ivoiriens, autres bénévoles français. J’essaie d’y apporter mon mood ☀️ de toujours, et de lier avec des personnes que je ne connais pas mais avec qui je vis h24 (mais vraiment h24). Un bel exercice humain, il y a des belles âmes généreuses ici et d’autres à révéler. Il va falloir que je mobilise mon intelligence émotionnelle pour m’adapter et pour faire rayonner tout ce que je peux apporter ✨🚧👷🏼♀️ je pense en apprendre beaucoup sur l’humain et sur moi.
Les chimpanzés et la réalité du trafic 🐒🌳
3/ Et enfin, les chimpanzés. Les chimpanzés ici sont issus du trafic et du braconnage. Je reparlerai de l’asso (Akatia) avec laquelle je suis ici. Les chimpanzés sont tués souvent pour la consommation de viande (c’est un mets très prisé mais totalement illégal) ou bien pour être revendus comme animal de compagnie (c’est pour ça que je milite autant pour que les réseaux sociaux arrêtent de véhiculer des images de singes domestiqués car ils sont issus du trafic et alimentent des vastes réseaux. J’en reparlerai dans une lettre dédiée. C’est trop important.) Les mères sont tuées pour la viande, les bébés restent accrochés au corps des mères quoi qu’il arrive (c’est déchirant, vraiment) donc les braconniers les récupèrent comme ça. Les mères ne laissent JAMAIS leur bébé, elles les gardent jusqu’à presque 9 ans. Leur grossesse dure quasi 9 mois comme nous, les humaines ! Les braconniers tuent les mères pr prendre les bébés. C’est terrible de voir ça et ça laisse des traumatismes visibles chez eux. C’est un délire. Je vous raconterai ça aussi. Au delà de la chasse, c’est surtout que leur maison disparaît. Plus de 70% de la forêt ivoirienne a disparu. Merci à la culture de cacao et de palme…Coucou les industriels et notre consommation occidentale 👋. Tout est lié. Notre lien a ces grands singes est très intime sur beaucoup de pans, on ne peut pas se dire que ce n’est pas notre problème / responsabilité.
Les chimps sont une espèce menacée ++ (80% taux extinction), nous avons plus de 98% d’ADN en commun avec eux et c’est vraiment FOU de les observer et de les côtoyer. J’essayerai de vous partager quelques anecdotes fabuleuses de ma rencontre avec eux. Je suis fascinée par leur intelligence, sensibilité, sens de la justice, liens. Bref me voici ici tantôt mère de substitution, tantôt fée du logis, tantôt nourricière.
Il y a plusieurs catégories de chimps ici :
- ⛓️3 femelles Judith, Asta, Hawa : en cage car malheureusement elles ne peuvent / ou ne pourront peut-être plus vivre dans la nature (c’est trop tard pour certaines car elles n’ont connu que la cage chez des particuliers et ne connaissent pas la forêt) ou alors elles sont trop dangereuses pour le moment pour les autres chimps ici ou pour les humain.e.s du camp où je suis. C’est vraiment une expérience particulière de devoir s’occuper de chimpanzés en cage. Il faut les nourrir, nettoyer les cages, créer ce qu’on appelle des « enrichissements » c’est-à-dire des jeux pour les stimuler. Il faut aussi accepter de se dire que ces animaux ne seront plus libres et sauvages à cause d’humains qui ont niqué leur vie. Pardon pour l’expression mais c’est vrai. Et ça, c’est le plus dur. Des vies gâchées pour rien. Enrageant. J’ai pas encore accepté la rage que ça provoque en moi. Elle m’aidera sûrement à lutter encore plus à mon retour d’une manière ou d’une autre. Moi qui aime tant ma liberté, je ne peux me sentir libre quand mes sœurs, d’une autre espèce, ne le sont pas à cause d’hommes.
- Les 4 bébés chimpanzés Akouba, Jules, Emma, Djodjo : eux sont encore très jeunes, ils vivent ensemble et on part toute la journée en brousse (c’est-à-dire dans la forêt) avec eux. On leur apprend à utiliser des outils, à bien se comporter, à lier entre eux, à avoir peur des choses dangereuses comme les serpents… On doit aussi les soutenir, les aimer, leur apporter de la protection et de la réassurance. Certains n’ont pas les codes des chimpanzés, il faut donc leur apprendre. Ça passe notamment par l’épouillage. J’épouille des bébés chimpanzés… c’est merveilleux de les aimer. J’ai de l’amour à revendre en moi de toute façon. Parfois on joue aussi, mais pas trop car les chimps ont énormément de force (10x que les humains) donc ça peut partir en live. Parfois on doit les rassurer quand ils ont peur (comme le ferait leur maman), on apprend ici à parler chimpanzé aussi. À vocaliser, je vous montrerai ça plus tard, je suis encore en plein apprentissage et je dois dire de sacrées conneries en langage chimpanzé pour le moment !
Bref, c’est une sacrée expérience que je suis en train de vivre. Pas simple sur plusieurs dimensions, mais extraordinaire pour beaucoup d’autres. Je suis émerveillée, et je peux dire que je suis dans un niveau d’action que je n’avais encore jamais eu dans ma vie.
⚠️ Immense disclaimer sur les photos que vous allez voir ici : Je les partage ici car j’estime que vous me connaissez assez/ vous avez assez conscience des enjeux. Pour rappel, les chimpanzés ne sont pas des animaux de compagnie. Tous nos Chimpanzés sont issus du trafic. L’une des missions de l’asso est de réhabiliter les Chimpanzés qui nous sont confiés, c’est-à-dire leur réapprendre à vivre dans un environnement proche de celui qu’il n’aurait jamais dû quitter. Tous les jours, ils partent en forêt avec les équipes pour profiter de celle-ci et nous leur apportons tous les soins médicaux nécessaires à leur bien-être. Je ne veux pas diffuser trop de photos sur les RS où les chimps sont en contact avec des humains. Je ne souhaite pas que les gens les détournent et pensent que c’est mignon de câliner des chimps… Non, ça l’est pas du tout…. Bien sûr que c’est adorable, mignon de voir leur bouille, comportement, mais ils seraient tellement plus heureux, eux, libres et sauvages. Ma petite sœur m’a dit une phrase très juste : « tu es là de passage pour leur donner un nouvel élan dans leur vie, comme un passage en famille d’accueil ». On essaie de leur donner une seconde chance dans la vie pour que plus tard ils retrouvent la vie sauvage et qu’on ait plus à faire ça. Je peux vous dire que je chiale beaucoup ici quand même, mais c’est normal vu l’intensité émotionnelle. C’est un mélange de tellement d’émotions et de sentiments différents.
Je m’arrête ici pour cette première nouvelle. Je prends vos belles énergies, forces, amours.
Partagez cette lettre à toutes les personnes vivantes à qui elle pourrait faire du bien.
Je vous embrasse tous et toutes très fort, 2024 commence sur les chapeaux de roue.